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La création musicale dans les maisons d’opéra

Observations

  1. Replacer les compositrices et compositeurs vivant·e·s au centre des maisons d’opéra
    1. La création musicale grande absente de la programmation actuelle malgré l’intérêt des compositrices et compositeurs
    2. La résidence, un outil de travail et vecteur de présence dans les maisons d’opéra
    3. La diversité au service d’un renouvellement
  2. Renouveler la forme opératique
  3. Inscrire la création au sein d’un maillage territorial
  4. Réinventer le modèle de production
    1. L’opéra comme chantier de création
    2. Envisager la coproduction autrement
    3. Évoluer vers des modèles de production plus légers et plus mobiles

Replacer les compositrices et compositeurs vivant·e·s au centre des maisons d’opéra

La création musicale grande absente de la programmation actuelle malgré l’intérêt des compositrices et compositeurs

Les maisons d’opéra restent dans leur grande majorité très peu accessibles à la création et consacrent plus de 80 % de leur programmation au répertoire classique : entre 2017 et 2020, les œuvres en création représentent 10 % de la programmation dans les 11 maisons d’opéra françaises étudiées. Les chiffres détaillés portés en annexe rejoignent en grande partie l’état des lieux réalisé par Caroline Sonrier dans son rapport, qui s’appuyait lui-même notamment sur le rapport de l’inspection générale des Affaires culturelles remis par Marie Bertin et Catherine Meyer-Lereculeur pour les années 2015 à 2017.

GRAPHIQUE 1 : Répartition générale des occurrences d’œuvres par inclusion des catégories

La présence d’une compositrice ou d’un compositeur et plus généralement la musique d’aujourd’hui serait pour les maisons d’opéra une occasion de s’affranchir de l’image d’un art du passé communément partagé – ce que le rapport de Caroline Sonrier nomme « l’image de tours d’ivoire ancrées dans le passé1 ». Croire que seule la mise en scène puisse faire office de création est un leurre dans lequel certaines maisons d’opéra en France se sont engouffrées croyant faire l’économie de la création musicale en soi. Elles mettent en avant la création scénique en invitant des metteurs en scène de renom sur une production classique plutôt que de renouveler le répertoire en commandant à des compositrices et compositeurs de nouveaux opéras.
Même si aujourd’hui la communication des maisons d’opéra parle, à propos d’une œuvre, plutôt du metteur en scène que du compositeur, il faut rappeler qu’il n’y aurait pas de Flûte enchantée sans Mozart ni de Tristan et Iseult sans Wagner.

Pourtant, les maisons d’opéras devraient être, par définition, un lieu naturel d’accueil et de développement de projets opératiques nouveaux. Notre enquête réalisée auprès des compositrices et compositeurs membres du SMC montre que beaucoup considèrent que l’opéra pourrait être un lieu d’expression de leur travail : il n’y a pas de désintérêt des créatrices et créateurs pour ce genre.
L’intérêt des jeunes compositrices et compositeurs de moins de 40 ans pour l’opéra est encore plus grand et atteint même 92 %. Cela démontre que, malgré leur faible représentation dans la programmation, les créatrices et créateurs en activité continuent à être inspiré·e·s par ce genre musical et à vouloir le faire vivre à l’avenir.

La résidence, un outil de travail et vecteur de présence dans les maisons d’opéra

Pour les compositrices et compositeurs, la résidence serait l’outil le plus approprié pour accompagner la confection musicale d’un projet opératique et celle-ci devrait s’inscrire dans une durée favorisant un ancrage réel dans une maison d’opéra et sa région. La résidence permettrait de placer l’artiste plus au cœur du processus de création de l’opéra et lui permettrait de s’impliquer au mieux dans la production, de définir une méthodologie de travail liée à la dynamique d’une maison opéra en particulier, à l’espace en soi, aux nécessités de la salle et la scène.
Il est à noter qu’un certain nombre de nos consœurs et confrères regrettent le manque de temps sur une production pour établir une véritable relation professionnelle et humaine avec les chanteurs et le chœur. Un temps de travail et de recherche essentiel au service d’une écriture vocale inventive et efficiente.

D’autre part, les fruits du principe de la résidence permettraient également une collaboration artistique plus étroite entre les compositrices et compositeurs et les metteuses et metteurs en scène pour une meilleure synergie sur le plateau.

Cette résidence pourrait s’incarner sous la forme d’alternance entre des ateliers de travail avec les différents corps de métier – à définir en fonction de la spécificité des projets – et des rencontres périodiques avec le public qui suivrait les différentes étapes de fabrication. L’un et l’autre, ateliers et rencontres pourraient se faire dans une relation de cause et effet, les ateliers aboutissant sur des rencontres.

Il faut également penser la rétribution de la compositrice ou du compositeur et l’articuler sur la dynamique de cette résidence, c’est-à-dire la partager selon deux modalités :

La diversité au service d’un renouvellement

En outre, l’enquête sur la programmation montre que le principe de la parité est loin d’être respecté au sein des maisons d’opéra, ainsi que la présence des créatrices et créateurs de différentes générations. Or, comme l’indique Caroline Sonrier dans son rapport, cela semble en contradiction avec le fait que « la nouvelle génération de compositeurs qui arrive à partir des années 1980 est fortement attirée par cet art total qui croise musique, théâtre et arts visuels, et est sensible à l’évolution récente des maisons d’opéra dont les mises en scène renouvellent la forme2 ».

GRAPHIQUE 2 : Répartition par genre et par âge des compositrices et compositeurs ayant eu une ou plusieurs reprise(s) ou création(s) d’un opéra écrit après 1950 et programmé en France entre 2017 et 2020

Renouveler la forme opératique

Le lien qui unit les maisons d’opéra et les compositrices et compositeurs vivant·e·s est aujourd’hui à redéfinir ou à ré-inventer. En effet, ce lien demande sans cesse à être reconsidéré à l’aune des réalités sociétales et ne saurait être hérité d’un passé qui ne fait plus complètement sens aujourd’hui.
C’est grâce à ce lien qu’un travail de réactualisation du genre opéra pourrait se réaliser et éviter que la création ne s’articule sur des modèles hérités du XIXe siècle.

Il convient de rappeler que la création musicale, de par son caractère inédit, exerce un réel pouvoir de fascination sur un public non-spécialisé pour peu qu’on l’invite à l’approcher et à en prendre la mesure. La musique d’aujourd’hui ne doit pas être vu par les directrices et directeurs d’opéra comme un répertoire parmi d’autres, qui plus est trop difficile d’accès, mais au contraire comme un moyen d’ancrage dans le monde d’aujourd’hui : c’est le seul répertoire qui permet des associations entre compositeur·trice·s et écrivain·e·s mais aussi entre compositeur·trice·s et plasticien·ne·s – scénographes ou encore entre écrivain·e·s et plasticien·ne·s – scénographes. Ces relations entre les différentes disciplines artistiques, seul l’opéra contemporain les porte à un haut degré d’invention.
En regard du grand répertoire, l’opéra contemporain est le seul à avoir le potentiel de s’inscrire – et cela dans sa totalité – dans un temps actuel sans cesse en redéfinition. On citera les opéras qui furent de beaux succès d’association entre compositrices et compositeurs et écrivain·e·s : Georges Benjamin et Martin Crimp (Written on skin), Gérard Pesson et Marie Redonnet (Forever Vallée), Philippe Hurel et Tanguy Viel (Les pigeons d’argile), Francesco Filidei et Joël Pommerat (L’Inondation), Philippe Hersant et Jean Echenoz (Les éclairs), Thierry Escaich et Atiq Rahimi (Shirine) ou encore Kaija Saariaho et Amin Maalouf (L’amour de Loin).
Il est toutefois à regretter que ces associations soient parfois un peu forcées et avant tout le choix des directions des opéras plutôt que la volonté des artistes. À cet endroit précis, il faudrait concevoir l’opéra d’aujourd’hui comme une aventure collective dont le point initial serait la rencontre de plusieurs artistes, de différentes pratiques : composition, art plastique, littérature, scénographie, mise en scène, chorégraphie, philosophie. C’est cela qu’il faudrait dynamiser plus encore.

Dès lors, les maisons d’opéra pourraient être de véritables alliées et des partenaires incontournables pour les compositrices et compositeurs d’aujourd’hui, désireuses et désireux d’inventer de nouvelles formes autour de l’idée du spectacle total des origines de l’opéra, qui associait livret, personnages, chant, musique et mise en scène. En effet, les compositrices et compositeurs sont particulièrement bien placé·e·s pour s’insérer dans des projets opératiques inédits, explorant des « formats nouveaux » et « prenant des initiatives dans le domaine du numérique », non seulement au moyen de la musique électronique, mais également dans les interactions de celle-ci avec la dimension visuelle (vidéo ou autre).

Toutefois, ces propositions se heurtent encore au réel et l’enquête révèle aussi le décalage entre le modèle traditionnel et la vision des compositrices et compositeurs en activité de ce qui pourrait être la création à l’opéra : elles et ils souhaitent un dépassement de la traditionnelle forme lyrique et ne sont que 25 % à trouver toujours inspirante la forme actuelle de l’opéra. D’après eux, à 95 %, l’opéra devrait se diversifier et accueillir d’autres formes, ce qui n’empêche pas d’assumer aussi une écriture lyrique.

GRAPHIQUE 3 : Avis des compositrices et compositeurs sur les formes artistiques pratiquées dans les maisons d’opéra

Par ailleurs, dans le domaine de la création on constate une importance prépondérante des formes opératiques « jeune public ». Or si ces formes sont, certes, indispensables et essentielles pour la sensibilisation à l’opéra, elles ne devraient pas être exclusives pour autant.
Il semble, sur ce point, que les cahiers des charges des maisons d’opéra dans le champ de la création et de l’éducation artistique et culturelle peuvent amener à mêler les deux afin de répondre aux objectifs des conventions pluriannuelles.

GRAPHIQUE 4 : Part des opéras « jeune public » pour les opéras écrits après 1950 et programmés en France entre 2017 et 2020

Inscrire la création au sein d’un maillage territorial

Le rapport remis par la mission conduite par Caroline Sonrier émet des grands axes de réflexion, notamment la difficulté des maisons d’opéra à irriguer largement le territoire auquel elles sont rattachées et cela malgré les 2 millions de spectateurs d’opéra par an en France et un taux de remplissage de 82 % :

Les dernières décennies ont été marquées par une prise de conscience de l’enjeu du territoire par les maisons d’opéra. Cette prise de conscience s’est traduite par le développement d’opérations visant à améliorer la présence de l’opéra sur le territoire. Elle se traduit à l’échelle locale, où la diversification des activités des maisons et les liens avec le réseau des acteurs artistiques, culturels, éducatifs et sociaux sont des voies déjà explorées par les maisons d’opéra depuis de nombreuses années. Elle se décline aussi à l’échelle des nouvelles régions, où se pose la question de l’irrigation et du rayonnement des maisons sur un vaste territoire, dont les formes restent à inventer.

La politique de l’art lyrique en France, rapport de la mission confiée par Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Culture, à Caroline Sonrier, juillet 2021, p. 41.

Il est une nécessité impérieuse aujourd’hui que les compositrices et compositeurs participent activement à la mission de réflexion sur la question des publics. Être présent·e en tant que créatrice ou créateur au sein d’une maison d’opéra signifierait aussi assumer – et inventer – les modalités d’existence de son travail, sa musique, dans la dynamique de la « cité » et participer ainsi à la réflexion sur la transmission auprès des publics : actions de médiation, ouverture au public des étapes de travail de l’opéra, présentations des corps de métiers (la question du « chantier »), mise en place de projets participatifs, etc.

L’ancrage des maisons d’opéra au sein des communes, principales sources de financements3, est intimement lié à l’histoire de l’opéra et il convient de comprendre que c’est à cet endroit que s’opère son histoire :

À l’exception des deux établissements nationaux parisiens, l’histoire des maisons d’opéra de notre pays est intimement liée à celle de ses villes. À partir de la fin du XVIIIe siècle, de nombreuses villes parmi les plus dynamiques du pays engagent la construction d’un théâtre en capacité de présenter les plus grandes formes de spectacles, notamment des opéras. L’Opéra de Metz – le plus ancien encore en activité – est inauguré en 1752, le Grand Théâtre de Bordeaux en 1780, le Théâtre Graslin de Nantes en 1788, le Théâtre du Capitole de Toulouse en 1816, etc.

Ibid., p. 42.

Concevoir un opéra, c’est donc aussi prendre en considération son implantation locale, l’identité du lieu et de son public, les habitants de la ville et insérer ses convictions artistiques au sein d’une dynamique territoriale existante.
Prendre cette dynamique en considération pourrait signifier, pour la compositrice ou le compositeur, de concevoir des « ancrages » ou des développements de son travail dans ce contexte local, en incluant tous les corps de métiers à l’œuvre dans le processus de création :

À ce titre, il convient de noter qu’aujourd’hui les exigences politiques, en terme de droits culturels et de politique territoriale, obligent les maisons d’opéra à étendre leur champ d’action à un plus grand territoire :

La sensibilité croissante pour l’enjeu du territoire, alors que près de 80 % des français ne vivent pas dans une métropole où il y a une maison d’opéra, a transformé l’ambition de démocratisation culturelle, qui ne peut plus demeurer cantonnée aux métropoles, moins encore aux villes-centres, et doit trouver de nouveaux outils pour se déployer à l’échelle régionale. Les élus régionaux que j’ai pu auditionner dans le cadre de ma mission ont tous insisté sur l’importance d’irriguer le territoire régional, et pas seulement la ville-centre. Il s’agit d’un enjeu de premier ordre à l’heure d’une distance économique et sociale croissante entre les grandes métropoles et le reste du territoire.

Ibid., p. 45.

Répondre à cet enjeu revient donc à trouver le juste équilibre entre l’inscription dans un lieu spécifique et au sein d’un réseau, possiblement dans une logique de coproduction mais aussi de modèles de production plus légers et plus mobiles.

Réinventer le modèle de production

L’opéra comme chantier de création

Pour les maisons d’opéra, l’un des enjeux est d’inclure plus encore la compositrice ou le compositeur dans le processus de fabrication, voire le processus de production. Il n’est plus question de les reléguer dans un rôle accessoire de « fabricant de musique » et de les considérer seulement comme des techniciens de leur pratique, à qui l’on demanderait de réaliser sa partie une fois le livret commandé et que l’on congédierait pour tout ce qui concerne les répétitions, la distribution, mais aussi la scène (scénographie et mise en scène) et plus encore la production.
Cette répartition des tâches ne saurait avoir cours aujourd’hui : elle n’a plus de réalité dans un monde où les actions humaines sont plus que jamais intriquées les unes dans les autres, un monde où la mise en partage des connaissances est de plus en plus constitutive d’une modalité de fonctionnement sociétal.

La production d’un opéra doit aborder de front tous les corps de métier à l’œuvre et cela sous des formes et modalités qu’il convient d’inventer pour chaque projet opératique. La confection d’un opéra doit pouvoir être conçue comme un chantier à ciel ouvert où tous les corps de métiers coexisteraient, tant que possible.
Le public pourrait alors être invité à de fréquentes visites de chantiers, découvrant alternativement l’élaboration de la dramaturgie, de la musique, des décors, des costumes, des images scéniques, mais aussi l’apprentissage de la partition par les chanteurs, les partis pris de la mise en scène. Chaque étape de travail pourrait donner lieu à une présentation, sous la forme d’ateliers de rencontre, auprès des habitants de la commune et du territoire où la maison d’opéra est située.
Faire de la fabrication d’un opéra un chantier à ciel ouvert créerait ainsi du lien au sein même de l’équipe artistique mais également auprès des habitants et du public.

Envisager la coproduction autrement

[...] si chaque maison doit produire une œuvre nouvelle chaque saison, cet objectif empêche pratiquement les coproductions entre les opéras nationaux de région, qui ne présentent presque jamais plus d’un titre contemporain par saison dans les faits, et limite fortement la diffusion des œuvres.

Ibid., p. 68.

Il est crucial d’inventer de nouvelles manières de penser la coproduction en se basant par exemple sur le principe de la mutualisation sur une durée conséquente. La proposition de Caroline Sonrier que des « maisons d’opéra s’associent sur plusieurs années, pour élaborer ensemble une série de créations, où chaque maison trouverait sa place dans le processus de chacune des créations4 » est en ce sens tout à fait pertinente.

D’autre part, il est à saluer des initiatives très fortes de mise en réseau tels que le projet ENOA (European network of opera academies) qui rassemble compositrices et compositeurs, dramaturges, autrices et auteurs, metteuses et metteurs en scène et chef·fe·s d’orchestre en milieu de carrière pour mettre en place un lieu de dialogue, de découverte et de stimulation intellectuelle et artistique entre ces différents champs d’expertise pour promouvoir de nouvelles intentions créatives tout en dynamisant l’échange entre des participant·e·s. Ce projet a permis de créer des opéras et œuvres pluridisciplinaires singulières qui ont été remarquées tels que Alles Klappt d’Ondrej Adamek, Like Flesh de Sivan Eldar ou encore Façon tragique de tuer un femme de Diana Soh et d’en assurer leur diffusion à travers un réseau européen.
Ce modèle de production et de diffusion pourrait être étendu pour dynamiser la création d’opéra en France en s’appuyant sur d’autres réseaux existants tels que, par exemple, celui la Réunion française des opéras.

Évoluer vers des modèles de production plus légers et plus mobiles

Autant il est indispensable que les maisons d’opéra soient les producteurs délégués de projets d’opéra ambitieux, autant il faudrait concevoir – à côté de ces productions – des opéras de taille plus modeste, prenant notamment en compte l’enjeu des coûts de production et des moyens de les assumer5, dans une logique partenariale avec les théâtres, centres dramatiques nationaux, ensembles spécialisés, etc.
Le rapport de la mission menée par Caroline Sonrier constate certaines tentatives de productions plus légères, mais dans le même temps atteste d’un échec : « [...] certaines [maisons d’opéra] tentent de produire elles-mêmes des spectacles lyriques légers spécifiquement dédiés à la diffusion hors-les-murs, généralement sans grand succès jusqu’à présent : œuvres méconnues ou créations dans lesquelles les théâtres d’accueil ne retrouvent pas leurs attentes d’opéra, coûts trop élevés6 ».
On pourrait s’interroger sur ce que sont exactement ces « attentes d’opéra » de la part des théâtres et si cela ne traduit pas un manque d’intégration de ces structures, dès le départ de la production, au processus de création. Car les exemples donnés par Caroline Sonrier, sur ce point, sont peu nombreux et liés exclusivement au répertoire du XIXe : Offenbach report et Pomme d’Api d’Offenbach. Force est même de constater que ce dernier projet « n’a pas trouvé un grand nombre d’accueils et la diffusion a, là aussi, dû être interrompue. Le bilan de ces nouvelles propositions devra être observé dans les saisons à venir7. »

Sur le territoire français, il y a un lien à affirmer entre les maisons d’opéra et les scènes généralistes ou spécialisées dans le théâtre et cela au moyen de productions à coûts « contrôlés », incluant aussi les ensembles spécialisés dans le répertoire contemporain.
Ces liens de production et financiers doivent se construire en amont du montage de production, à la fois pour intégrer plus structurellement tous les partenaires de productions mais aussi parce que la question de la diffusion post-production, en ce qui concerne les opéras, n’a absolument aucune réalité : une fois qu’un opéra est créé par les partenaires de production, les dates de diffusion sont bien maigres, voire nulles. D’une part ce type de production pourrait ouvrir des champs artistiques alternatifs stimulants pour les compositrices et les compositeurs, d’autre part elles permettraient ainsi de varier les outils et stratégies de productions.
En outre, ces opéras de chambre pourraient circuler au sein des scènes nationales et des centres dramatiques nationaux, certains d’entre-eux étant équipés de fosses d’orchestre (Le Quai à Angers, l’Espal au Mans, le Théâtre d’Orléans, le CDN de Valence, la MC93 à Bobigny, etc.).

À ce type de production doivent pouvoir être associés les ensembles spécialisés dans la création qui sont trop souvent tenus à l’écart des maisons d’opéra. Ils pourraient s’intégrer précisément aux maisons d’opéra qui ne bénéficient pas de musiciens titulaires, comme c’est le cas à l’Opéra de Lille avec l’Ensemble Ictus dont l’investissement dans le domaine de l’opéra a permis l’existence de nombreux projets depuis au moins deux décennies. Un ensemble tel que Le Balcon fait également un travail remarquable sur le répertoire d’opéra dont il a fait son répertoire de prédilection, mettant en connexion ainsi des partenaires de productions d’envergure (Opéra de Lille, Festival d’automne, Philharmonie de Paris, Théâtre de l’Athénée). Mais à l’exception de ces deux exemples, trop peu d’ensembles sont conviés à participer aux productions opératiques ou sinon de manière périphérique. À titre d’exemple, en 15 ans l’ensemble Court-circuit n’a participé qu’à trois productions opératiques modestes : The second woman et Mimi de Frédéric Verrières, co-produits par Court-circuit et par les Bouffes du Nord et La Princesse légère de Violeta Cruz production de l’Opéra comique. L’ensemble Cairn, en 22 ans d’existence n’a participé qu’à deux projets d’opéra : Les aveugles de Xavier Dayer pour 12 chanteurs et 5 musiciens en 2006 avec les ateliers lyriques de l’Opéra Bastille et L’annonce faite à Marie de Philippe Leroux, projet à venir de l’opéra Nantes-Angers pour 5 chanteurs et 8 musiciens.

1 La politique de l’art lyrique en France, rapport de la mission confiée par Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Culture, à Caroline Sonrier, juillet 2021, p. 34.

2 Ibid., p. 66.

3 En 2019, 75 % du budget des maisons d’opéra est apporté par les villes et les communes, soit environ 190 M €.

4 Ibid., p. 72.

5 Ibid., p. 25 et suivantes.

6 Ibid., p. 49.

7 Ibid., p. 49.