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Compositrices et compositeurs dépossédés de leurs manuscrits : le nécessaire rééquilibrage de la relation avec les éditeurs

Suite à la vente aux enchères de manuscrits de compositrices et compositeurs vivant·e·s, le SMC dénonce les dérives non-déontologiques entraînées par certaines clauses abusives dans les contrats d’édition musicale et appelle à un rééquilibrage des relations entres les éditeurs et les compositrices et compositeurs.

Le 12 octobre dernier, plus de 200 partitions et manuscrits ont été mis en vente aux enchères à la maison Ader, dont un certain nombres de manuscrits d’œuvres de compositrices et compositeurs vivant·e·s. Le fonds mis en vente pour le compte de Tristan de Céleyran provenait des éditions Jobert – dont il est l’héritier – ; ce fonds n’ayant pas été cédé à la maison Lemoine lorsque cette dernière a racheté Jobert en 2007.

Alors que l’article L. 132-9 du code de la propriété intellectuelle prévoit à son troisième alinéa que « sauf convention contraire ou impossibilités d’ordre technique, l’objet de l’édition fournie par l’auteur reste la propriété de celui-ci », il s’avère que la majorité des contrats d’édition musicale comportent justement une clause prévoyant la cession de la propriété du manuscrit original de l’œuvre, sans aucune contrepartie.
C’était notamment le cas des compositrices et compositeurs dont les manuscrits ont été vendus aux enchères.

Alors que des autrices et auteurs de bande dessinée vendent régulièrement certaines planches à leur propre bénéfice, c’est donc ici l’héritier de l’éditeur qui est le bénéficiaire de la vente de manuscrits cédés sans contrepartie lors de la signature du contrat d’édition musicale.
Pire encore, nombre de compositrices et compositeurs concerné·e·s n’ont pas été préalablement informés de la tenue de la vente.

Au-delà de la valeur sentimentale que peut avoir un manuscrit pour une compositrice ou un compositeur, sa valeur historique et musicologique devrait aussi l’emporter sur des considérations mercantiles. De ce point de vue, la dislocation d’un tel fonds en lots séparés est un contresens en terme de recherche musicale.

Le SMC dénonce fermement la vente aux enchères qui s’est tenue le 12 octobre 2021 et l’affront qui a été fait aux compositrices et compositeurs dont les manuscrits ont été vendus sans qu’elles et ils aient été avertis ni bénéficiaires de la vente. Quand bien même cette vente était légale, elle s’affranchit de toute morale vis-à-vis des créatrices et créateurs ayant écrit ces manuscrits.

Par ailleurs, il convient de noter que de nombreux contrats d’édition musicale dispensent explicitement l’éditeur de fournir à la compositrice ou au compositeur un état comportant le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, la date et l’importance des tirages, le nombre des exemplaires en stock, ainsi que le nombre des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuits ou de force majeure.
A contrario, concernant l’édition d’un livre, l’ordonnance du 12 novembre 2014 modifiant les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition a introduit à l’article L 132-17-3 dudit code l’obligation pour l’éditeur de fournir de telles informations.

Ces exemples ne font que mettre en lumière les déséquilibres contractuels entre les éditeurs d’une part et les compositrices et compositeurs d’autre part, renforcés par l’ajout fréquent par les premiers de clauses abusives dans les contrats. La vente de manuscrits qui s’est tenue le 12 octobre dernier montre à quel point ces clauses sont la porte ouverte à des dérives abusives et affranchies de toute morale et déontologie.

Le SMC appelle de ses vœux une rédaction plus équitable du contrat d’édition musicale et la suppression de toute clause abusive dans le contrat type actuellement proposé par la plupart des maisons d’éditions. Si de bonnes pratiques ne se mettent pas en place rapidement, le syndicat demandera un encadrement législatif plus stricte du contrat d’édition graphique d’une œuvre musicale.

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