Dans un environnement en pleine mutation et dans un contexte budgétaire qui est annoncé plus contraint et vertical, les conditions d’existence de la création musicale se durcissent dramatiquement. Ce constat était le point de départ d’une rencontre organisée par la FEVIS et le SMC, qui avait pour objectif de réamorcer la réflexion pour un processus de reconstruction d’un écosystème durable et équilibré de la création.
Cette journée de travail réunissait une trentaines de professionnel·les : compositeur·rices, musicien·nes, directeur·rices artistiques et partenaires institutionnels et s’est déroulée le 18 septembre 2024 à Bagnolet (93), en marge du festival Ensemble(s).
Intitulée Ensembles musicaux et compositeur·rices : comment cultiver des liens permaculturels, cette rencontre placée sous le signe de l’intelligence collective s’est développée autour de la relation très particulière qui associe les compositrices et compositeurs d’une part, et les ensembles indépendants spécialisés d’autre part.
Prégnante dans tous les aspects de l’activité de la création, la réalité de la proximité de ce couple se lit à tous les niveaux et notamment dans les chiffres : les œuvres pour ensembles représentent 56% du catalogue des membres du SMC. En termes de revenus, 71% des pièces diffusées entre 2019 et 2023, générant du droit d’auteur, sont des pièces pour ensembles. Encore plus spectaculaire : parmi les commandes reçues en 2023 par les membres du SMC, 56% viennent des ensembles indépendants, contre 22% venant des festivals, et 15% de la radio. Les ensembles musicaux indépendants sont donc la colonne vertébrale du modèle économique des compositrices et compositeurs de musique contemporaine qui simultanément les nourrissent de la matière musicale qui est leur carburant.
L’efficience de ce couple repose sur une pluralité de facteurs. La manière de fonctionner des ensembles, souple, protéiforme est particulièrement propice à l’invention et à l’expérimentation. L’expertise des interprètes permet toutes les audaces et s’aligne sur l’exigence des créations. La relation de travail qui se développe dès le déclenchement du processus de création, en amont et pendant la période d’écriture, produit un terreau extrêmement bénéfique au développement esthétique d’une pièce. C’est l’addition de ces conditions favorables à la création qui ouvre de nouveaux espaces de radicalité.
Faire de cette relation si particulière la pierre angulaire de l’écosystème de la création n’est pas un simple exercice rhétorique ; Il s’agit en réalité de mettre en évidence la nécessité fondamentale de s’appuyer sur cette relation symbiotique dans la définition de toute politique publique en faveur de la création musicale.
Ce point fondamental étant exposé, il convient de compléter l’analyse. Si cette relation étroite, déjà efficiente et tellement fondamentale est une condition nécessaire au développement de la création, elle n’est pas suffisante. L’écosystème de la création ne se résume pas seulement aux interprètes et aux artistes-auteurs et autrices.
Sa richesse, son équilibre, sa capacité à donner la pleine mesure de l’activité musicale repose sur une grande pluralité et diversité d’acteurs. Parmi eux, le troisième partenaire de la relation qui doit être intégrée dans la réflexion est la catégorie des lieux et festivals. Ceux-ci prolongent un immense chantier relatif aux questions des espaces de production et de diffusion, aux résidences et temps longs, à la relation au public ou la construction avec les acteurs des territoires.
Notre réflexion doit ainsi se poursuivre et doit se donner pour objectif de créer des espaces d’échanges et de rencontres qui réunissent la totalité des acteurs de l’écosystème de la création.
La prochaine étape de la réflexion s’attachera à travailler de manière particulière sur la relation qui associe les compositeurs et compositrices et les ensembles d’une part à la famille riche et plurielle des lieux et espaces de diffusion et de production.
Réinventer les équilibres et les conditions durable de la création, prendre soin du terreau artistique et des relations humaines qui l’enrichissent, penser les principes d’une permaculture de la création, c’est le chantier auquel nous allons nous atteler avec comme horizon, l’éclosion de nouvelles hospitalités artistiques.