Si la plupart des compositrices et compositeurs sont déjà familiarisés avec les outils de l’IA dans leur propre processus de création, les avancées récentes des algorithmes génératifs ont éveillé des inquiétudes légitimes relatives aux menaces réelles pour la création artistique.
En effet, le développement de l’IA permet désormais – sans être capable d’innovation artistique – de rentrer en compétition avec des activités de création : l’IA générative permet l’avènement d’une « créativité industrielle », en remplaçant l’humain dans la création de contenus qui lui étaient jusqu’alors réservés.
Tandis que les machines varient à grande vitesse un matériau préliminaire – se destinant à une production d’œuvres standardisées –, les humains utilisent leur seul corps et leurs connaissances pour façonner des œuvres et créer de nouveaux sons. Au lieu de la pollution industrielle des machines – à savoir une consommation disproportionnée d’énergie et une surproduction de résultats –, les compositrices et compositeurs inventent et mettent au monde, avec parcimonie, des œuvres durables.
Particulièrement en musique, l’innovation vient d’abord des humains et non des technologies.
Dans l’industrie musicale, les algorithmes d’IA peuvent copier et contrefaire n’importe quel style de n’importe quelle compositrice ou compositeur, mort·e ou vivant·e. À cet endroit, la différence d’échelle entre la production humaine et industrielle implique qu’il ne peut y avoir d’utilisation équitable de l’IA générative.
En effet, il suffit à la machine de se nourrir d’œuvres déjà écrites pour remplacer sa compositrice ou son compositeur pour un coût dérisoire : non seulement le revenu pour l’artiste est supprimé, mais la nécessité de son existence, de sa fonction sociale et de sa profession sont remises en cause.
La plupart des applications d’IA générative connues ont été rendues possible par une activité de fouille de données (data mining) sur des répertoires protégés, dans le cadre de l’exception permise en France par l’article L. 122-5-3 du code de la propriété intellectuelle, transposant l’article 4 de la directive 2019/790 du Parlement européen.
Dès lors, l’IA générative opérée sur ces mêmes bases de données contrevient au considérant 6 de la même directive : « [Ces exceptions] ne peuvent s’appliquer que dans certains cas particuliers qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou autre objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des titulaires de droits ».
Le jeudi 12 octobre 2023, la Sacem a exercé son droit d’opposition (opt-out) prévu par les législations européennes et française afin de rendre inopérante l’exception et de conditionner les opérations de fouille de données à son autorisation préalable.
Nous saluons cette décision qui conforte la position des autrices et des auteurs. Toutefois, le SMC réaffirme par la présente :
- Que la mise en place de l’opt-out est à ce jour sans objet technique et qu’il est du devoir de l’ensemble des organismes de gestion collective d’exercer leur droit d’opposition : la seule option valable pour ne pas porter préjudice aux autrices et aux auteurs est de limiter les bases de données aux œuvres du domaine public ;
- Qu’il n’y a aucune possibilité pour les compositrices et compositeurs, tant au niveau individuel que collectif, d’obtenir une compensation équitable, que ce soit par une licence globale ou tout autre artifice, au préjudice que constitue l’appropriation de leurs œuvres par des processus industriels qui exercent à leur endroit une concurrence déloyale ;
- Que dans un contexte de développement de l’IA, il convient de soutenir plus que jamais les créatrices et créateurs vivant·es : elles et ils sont garant·es d’une valeur qu’aucune machine ne pourra jamais produire.